Vers la fin des abus dans la rénovation énergétique ?

Démarchage intempestif, promesses d’économies d’énergie non tenues, performances de certains isolants surévaluées… : le secteur de la rénovation énergétique des bâtiments est en proie à d’innombrables dérives et abus. Alors que les autorités prévoient de durcir les règles en matière de démarchage, un récent arrêt de la Cour de cassation épingle l’efficacité de la laine de verre, dont les fabricants auraient dissimulé les performances réelles auprès des artisans-poseurs et de leurs clients.

Bientôt la fin du cauchemar pour des milliers de Français ? Le gouvernement, par la voix de sa secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, a annoncé fin janvier son intention d’interdire le démarchage téléphonique en matière de rénovation énergétique. « L’objectif est de protéger les consommateurs et les entreprises du secteur », a détaillé la ministre lors d’une conférence de presse, rappelant qu’entre les seuls mois d’août 2018 et août 2019, quelque 1 770 plaintes ont été déposées par des consommateurs auprès de la répression des fraudes (DGCCRF) – un chiffre en hausse de 20 % par rapport à l’année précédente.

Alors qu’un projet de loi prévoit de durcir les sanctions à l’encontre des sociétés coupables de mauvaises pratiques commerciales, les amendes administratives devant passer de 75 000 à 375 000 euros, et qu’un prochain décret doit encadrer les jours et horaires de démarchage téléphonique, toutes professions confondues, Mme Pannier-Runacher s’est également prononcée en faveur de la généralisation du « Name and Shame », cette stratégie visant à rendre public le nom des entreprises du secteur contrevenant à la réglementation. Il y a, en effet, fort à faire, tant les abus et dérives se multiplient dans le domaine de la rénovation énergétique des bâtiments.

Des dérives en cascade

Et cela ne date pas d’hier. En 2018 déjà, l’association de protection des consommateurs UFC-Que Choisir dévoilait les « manœuvres nocives de certains professionnels (de la rénovation énergétique), qui ciblent notamment les consommateurs les plus vulnérables », comme les personnes âgées ou handicapées. Selon l’association, le montant des préjudices subis aurait dépassé les 17 millions d’euros entre 2007 et 2017. Quant aux comportements frauduleux, ils peuvent emprunter diverses voies : démarchage abusif, ventes agressives ou trompeuses — le démarcheur se faisant souvent passer pour un représentant de l’Etat ou un salarié d’un grand groupe énergétique, comme EDF —, dissimulation des conditions de rétractation, manque ou manipulation d’information à propos des aides financières publiques, etc.

Dans un reportage diffusé le 6 février dernier et intitulé : « Isolation : cauchemar à 1 € », les journalistes d’Envoyé Spécial mettent ainsi en lumière un certain nombre d’arnaques sévissant dans le cadre du dispositif gouvernemental de « l’isolation à 1€ » destiné à pousser les particuliers à isoler leurs combles. Certaines sociétés ont ainsi trouvé le moyen de réaliser des « travaux » à moindres frais – qui ne respectent bien souvent aucune norme et ne sont parfois même pas terminés – le tout en empochant les deniers de l’État.

Ces pratiques abusives à grande échelle ne se limitent pas au seul aspect commercial de ces activités. Elles concernent également la nature même des travaux engagés, des « prestations de rénovation énergétique dont la pertinence est (parfois) sujette à caution », alerte l’UFC-Que Choisir. Attention, donc, aux allégations portant sur les fameuses économies d’énergie promises par les prestataires, des pourcentages souvent fantaisistes, qui n’engagent que ceux qui veulent bien y croire… Une problématique particulièrement récurrente en matière d’isolation des bâtiments, comme en témoigne l’affaire de l’« Isolgate » dévoilée par la Cour de cassation.

“Isolgate”, nouveau “Dieselgate” ?

Dans un arrêt daté du 20 novembre 2019, la Cour déboute en effet le FILMM de sa plainte contre la société Actis, qu’il accusait de « publicité mensongère », ses magistrats établissant par la même occasion que les fabricants de laine de verre ont sciemment dissimulé les performances énergétiques réelles de leur produit. Une laine de verre qui représenterait près de 90 % du marché de l’isolation des murs et combles et continue de bénéficier de plus de la moitié des 17 milliards d’euros alloués annuellement par l’État en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments.

L’absence de « pare-vapeur », indispensable à la bonne étanchéité de la laine de verre, cause des déperditions énergétiques pouvant atteindre 75 % des performances promises sur le papier. Une information technique qui n’a pas été partagée par les fabricants. Mettant par là même en porte à faux les entreprises et artisans ayant recours à ce produit sans en connaître les modalités optimales de pose. Jean-Yves Le Déaut, ancien député et ex-vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), n’hésite pas à comparer ce dossier à celui du « Dieselgate » ayant éclaboussé le constructeur automobile allemand Volkswagen.

Appelant dès 2014 à un « choc salutaire », l’ancien élu estime aujourd’hui que « si (des) aides sont accordées à des produits dont les performances sont en réalité en deçà de celles affichées dans les conditions de pose actuelles, c’est très grave ». « Il faut que la Cour des comptes se saisisse du dossier », juge encore M. Le Déaut, selon qui « l’OPECST devrait en outre exercer son droit de suite » et « une mission d’information parlementaire (…) pourrait être mise en place ». « Enfin, conclut-il, le gouvernement doit prendre sans tarder un arrêté ministériel pour imposer les conditions de pose des laines minérales. Il est encore temps de mener ce travail, notamment dans le cadre de la RE (réglementation environnementale) 2020 qui doit rentrer en application au 1er janvier 2021 ».

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