Sleeping Giants : pourquoi les marques s’en démarquent

C’était il y a deux ans. Un siècle. Une éternité. Les Sleeping Giants débarquaient en France et les grands groupes étaient trop heureux de répondre favorablement aux interpellations du mouvement activiste pour pouvoir communiquer sur leur implication sociétale. La mode a depuis passé et la confusion des genres entre monde de l’entreprise, journalisme et activisme politique a connu quelques ratés. Au point de voir les marques devenir très méfiantes à l’égard des géants assoupis.

Au cours d’une année 2020 à nulle autre pareille, les Sleeping Giants ont incarné l’image d’un activisme voulant donner du sens à la société. Déboussolées par le Covid, les entreprises se sont lancées dans un créneau qui leur semblait porteur et fédérateur : la lutte contre les discours de haine. L’occasion d’aligner leurs stratégies de communication à l’air du temps (Black Lives Matter, MeToo,…).

Les Sleeping Giants revendiquent à ce jour avoir permis de geler les budgets publicitaires de plus de 2000 annonceurs en France sur les médias qu’ils ont pris pour cible (CNews, Valeurs Actuelles et France Soir). Ils sont parvenus en 2019 et 2020 à multiplier les jolis coups médiatiques en attirant l’attention de grands groupes comme Toyota, Nike, Ferrero, Groupama, PSA, Carrefour, et bien d’autres encore.

Mais le succès des Sleeping Giants s’est érodé au fil des mois, notamment après l’annonce très médiatique du boycott de CNews par Décathlon. Une victoire à la Pyrrhus et un véritable tournant pour les activistes et les marques les soutenant. Interpellé par les Sleeping Giants en fin d’année 2020, Décathlon avait franchi le pas en annonçant son retrait des antennes de CNews.

Une décision qui avait offert un buzz formidable aux Sleeping Giants, mais dont la chaîne de magasins de sport se serait bien passée en rétrospective. Très médiatisée, l’annonce avait immédiatement généré une levée de bouclier dans la classe politique, auprès des journalistes, mais aussi et surtout de la part d’internautes. En quelques heures, le hashtag #boycottdecathlon trustait les tendances sur Twitter et une mobilisation anti Sleeping Giants voyait le jour.

C’est une nouvelle facette de l’activisme des Sleeping Giants que l’opération Décathlon a donné à voir. Celle d’une société hyper-fragmentée et au bord de l’implosion, où chaque polémique draine son lot de partisans et d’adversaires, d’autant plus hystérisés qu’ils agissent dans le relatif anonymat de leur salon. En soutenant les Sleeping Giants, les marques se sont mises à dos une frange de la société moins bruyante mais tout aussi politisée.

Du coup, ce qui passait pour d’innocents coups de comm’ sur des sujets fédérateurs, s’est transformé en véritable guerre de religion autour de la liberté d’expression et de la presse. Le genre de débat auquel aucune marque ou entreprise ne souhaite être associée. Décathlon, qui traîne encore aujourd’hui (plus d’un an après les faits) son soutien aux Sleeping Giants comme un boulet, illustre mieux qu’aucun autre cet état de fait.

Une situation qui explique que les marques, en particulier celles s’adressant au grand-public, se sont éloignées au cours des derniers mois des Sleeping Giants et qu’elles sont de moins en moins nombreuses à répondre positivement aux demandes de boycott des activistes. Le jeu n’en vaut plus la chandelle : le buzz généré se retourne trop souvent contre elles et les pousse dans un engrenage inextricable entre deux franges irréconciliables de la société.

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