En Italie, la police enquête depuis plusieurs mois sur une dizaine de marques de luxe pour des soupçons d’abus de travail. Parmi ces grands noms du textile et de l’habillement figurent Gucci, Versace et Yves Saint Laurent. Ces entreprises auraient fait fabriquer des sacs, portefeuilles et vêtements dans des ateliers exploitant de la main-d’œuvre chinoise. Le procureur de Milan leur enjoint de fournir rapidement des documents sur leur gouvernance et leur chaîne d’approvisionnement.
Salaires de misère, ouvriers dormant dans des ateliers, manquements à la sécurité…En Italie, l’industrie du luxe est pointée du doigt pour des abus de travail présumés. Le 3 décembre dernier, la police italienne a fait une descente au siège de 13 entreprises de mode haut de gamme dans le cadre d’une enquête sur des allégations d’exploitation de travailleurs chez des sous-traitants du secteur. Il s’agit da la nouvelle phase d’une vaste enquête lancée l’année dernière dans la filière du luxe, ayant révélé un grave manque de supervision des chaînes d’approvisionnement.
Gucci, Yves Saint Laurent et Gianni Versace parmi les marques de luxe suspectées d’abus de travail
Cette série de perquisitions vise plusieurs ateliers de confection, notamment dans le nord de l’Italie, où la police a découvert des conditions de travail dégradantes dans plusieurs fabriques. Parmi les marques de textile et d’habillement ciblées figurent Gucci (groupe Kering), Yves Saint Laurent, Alexander McQueen, Dolce & Gabbana, Gianni Versace, Prada, Givenchy, Adidas et Coccinelle. Cinq autres filiales de griffes mondiales avaient déjà été visitées il y a plusieurs mois. Il s’agit de Dior ( LVMH), les maroquiniers Tod’s, Alviero Martini, Armani et le spécialiste du cachemire Loro Piana, propriété de LVMH depuis 2013.
Tod’s avait « parfaitement conscience » de l’exploitation de sous-traitants chinois dans ses ateliers
Avec ses enquêtes, le procureur de Milan Paolo Storari a mis en lumière le côté sombre du monde feutré du luxe. Il avait déclaré le mois dernier, lors d’une audience, que Tod’s – dont les mocassins en cuir peuvent coûter plus de 800 euros – avait « parfaitement conscience » de l’exploitation de sous-traitants chinois dans ses fabriques. La marque aurait choisi d’ignorer ses propres audits qui révélaient des conditions de travail dégradantes : salaires trop bas, horaires de travail prolongés, zones de couchage au sein des ateliers, etc.
Les marques de luxe peuvent être tenues responsables des infractions commises par leurs fournisseurs agréés
Pour réduire les coûts et faire des marges, les marques de luxe présentes en Italie ont l’habitude de sous-traiter leur production à des fournisseurs, qui à leur tour sous-traitent à d’autres acteurs. Les défenseurs des salariés de la mode rapportent que les fournisseurs imposent des conditions toujours plus drastiques, ce qui leur permet d’abuser des employés, en majeure partie immigrés. Ils rappellent qu’en vertu de la loi italienne, les entreprises de luxe peuvent être tenues responsables des infractions commises par leurs fournisseurs agréés.
Tod’s de défend d’avoir toujours voulu faire la lumière sur ces questions
Le mercredi 3 décembre, la justice a entendu de nouveau les avocats du chausseur Tod’s. À l’issue de l’audience, ceux-ci ont obtenu un délai pour « renforcer le système de contrôle » de la société sur ses fournisseurs. Tod’s a assuré dans un communiqué qu’elle voulait « depuis toujours (…) faire toute la lumière sur cette question sérieuse (…) considérant que protéger et défendre la dignité des travailleurs fait partie des valeurs les plus importantes de [sa] famille et des principes fondateurs du groupe »…
Toutes les marques de luxe concernées doivent remettre les documents sur leur gouvernance et les contrôles de la chaîne d’approvisionnement
Les procureurs italiens ont demandé aux marques concernées par cette enquête de remettre les documents sur leur gouvernance et les contrôles de la chaîne d’approvisionnement. Ces demandes doivent permettre aux magistrats d’évaluer dans quelle mesure ces 13 entreprises ont été impliquées dans l’exploitation de main-d’œuvre et si leurs dispositifs de conformité et de gouvernance sont suffisants pour prévenir les abus. Après analyse, il sera exigé à ces sociétés de corriger elles-mêmes les problèmes identifiés. Si elles ne le font pas, les juges se réservent le droit de prendre d’autres mesures préventives ou conservatoires.
