Depuis l’ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l’électricité en 2007, pas facile de savoir quel fournisseur est le moins cher. Y’a-t-il de réelles différences de tarifs ? Si oui, de quel ordre sont-elles ? EDF est-il vraiment plus cher que les autres ? Décryptage.
Entre l’opérateur historique (EDF) aux tarifs réglementés dits « tarifs bleus » qui augmentent chaque année et la trentaine de nouveaux fournisseurs de l’offre de marché qui garantissent des tarifs fixes, les Français sont de plus nombreux à regarder de plus près leur contrat d’électricité. Et, pour certains, à passer à la concurrence, comme 22 % des foyers résidentiels l’avaient déjà fait en octobre 2018, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Mais pour y voir clair dans le marché de l’électricité, il faut d’abord comprendre l’unité de mesure, le kilowattheure (KWh), dans laquelle sont exprimés ces tarifs.
Qu’est-ce que le Kwh ?
Produit de la puissance en milliers de watts (KW) et de la durée en heures (h), le KWh mesure la quantité d’électricité consommée en une heure par une installation électrique (ampoule, appareil électroménager, résidence, etc.). Pour mieux se rendre compte, 1 KWh correspond l’utilisation d’une ampoule de 100 watts pendant 10 heures, mais aussi à 1000 calories (kcal). À plus grande échelle, 1 500 KWh équivalent à la consommation totale annuelle d’un logement de 80m2 utilisant l’électricité pour l’éclairage et les appareils électroménagers. À partir de cette unité commune, il est donc possible de comparer les tarifs des différents fournisseurs. Pour cela, il faut aussi tenir compte de la puissance maximale du courant nécessaire pour le logement ou le local, exprimée en kVA (kilovoltampère). Pour un studio, 3kVA suffisent généralement, contre 6kVA pour un appartement classique et 9kVA pour un grand logement sans chauffage électrique. Enfin, les tarifs peuvent varier selon que l’on opte pour un prix fixe pour toute la journée (tarif de base), ou plus ou moins élevé selon le moment de la journée (tarif heures pleines/heures creuses).
Pour comparer la différence de tarifs entre chaque fournisseur, il est donc nécessaire de choisir une puissance et un type de tarif donnés, dont le prix s’exprimera en euros par KWh. Dans l’infographie illustrant cet article, cinq fournisseurs ont ainsi été sélectionnés sur une puissance de 6kVA au tarif de base. Parmi cet échantillon assez représentatif du marché français, on constate une amplitude de tarifs significative, qui va de 13,42 centimes d’euros par KWh pour Total Spring à 17,38 centimes par KWh pour Enercoop. Si cet écart (3,96 centimes d’euros par KWh) peut sembler minime, il représente tout de même près de 25 % de différence sur la facture d’électricité, soit plusieurs centaines d’euros par an dans le cas d’un logement chauffé à l’électricité.
Avec un tarif de 14,52 centimes d’euros par KWh, EDF et ses tarifs réglementés se situent en troisième position du classement, à un niveau à peine plus élevé que Total Spring (+1,10 centime d’euros) et beaucoup moins qu’Enercoop (-2,86 centimes d’euros). Entouré de près par Direct Énergie (13,96 centimes d’euros par KWh) et Engie (15,25 centimes d’euros), deux des nouveaux acteurs du marché de l’énergie, le fournisseur historique se défend plutôt bien face à la concurrence féroce de l’offre de marché. Mais est-ce également le cas dans toutes les configurations ?
Prix de l’électricité : pourquoi la hausse est-elle inévitable ?
Dans une étude comparative réalisée auprès d’une dizaine de fournisseurs, EDF affiche là aussi des tarifs compétitifs par rapport aux nouveaux fournisseurs pour 3, 6 et 9 kVA. Derrière Cdiscount et Total Spring, le leader national parvient à se maintenir en milieu de peloton, où il joue des coudes avec Planète Oui et Eni, mais devance systématiquement Enercoop et Engie. Pourtant, le groupe français doit composer avec la hausse globale du coût de l’énergie mondiale et des taxes (CSPE, TCFE, CTA et TVA) qui représentent plus du tiers du prix final de vente. Il est également contraint d’augmenter ses tarifs réglementés chaque année, contrairement aux tarifs fixes de l’offre de marché. Début 2019, la CRE a ainsi proposé une hausse de 5,9 %, que l’État français a décidé de ne pas appliquer dans un premier temps. Pour certaines associations de consommateurs, cette augmentation ne serait pas seulement imputable aux fluctuations du marché mondial, mais aussi aux nouveaux fournisseurs
En captant une part croissante de clients, ces derniers dépassent le volume maximal d’électricité d’origine nucléaire acheté à EDF à prix préférentiel, les obligeant à se fournir sur un marché de gros beaucoup plus onéreux. Moins compétitifs, ils sont alors contraints d’augmenter leurs tarifs. François Carlier, délégué général de l’association CLCV, estime d’ailleurs la prochaine hausse à près de 6 %. Résultat : afin de respecter la loi sur la libre concurrence du privé – et ne pas condamner ses rivaux à la faillite –, EDF n’a pas d’autre choix que d’augmenter ses prix à un niveau comparable. Alors pour mettre un terme à ce cycle sans fin et qui récompense mal les efforts d’EDF pour garder ses prix compétitifs, l’UFC Que Choisir demande à l’État de rehausser le plafond du nucléaire réservé à l’offre de marché. « Il faut surtout blâmer la façon dont la concurrence est organisée, ajoute Antoine Autier, responsable adjoint du service des études d’UFC Que Choisir. Comme les fournisseurs alternatifs ont de plus en plus de clients, il n’y a plus assez de nucléaire à tarif préférentiel pour tout le monde. » À en croire les associations de consommateurs, une réforme du modèle de répartition de l’électricité est en tout cas plus que nécessaire…