Au fil des semaines, le rang des opposants à la loi Duplomb grossit. Après les écologistes, les citoyens français et les producteurs bio, c’est au tour des scientifiques et des médecins d’appeler à sa suppression. Finalement, quel soutien reste-t-il à ce texte controversé ?
La loi Duplomb, un paquet de mesures censées permettre à l’agriculture française d’être plus compétitive, ne fait pas l’unanimité depuis son introduction au Parlement. Ce texte est rejeté pour son impact environnemental et sanitaire. Et pour cause, il prévoit la réintroduction de pesticides toxiques comme l’acétamipride, un insecticide qui nuit à la biodiversité et potentiellement à la santé humaine. Ce produit chimique est interdit en France depuis 2018, mais autorisé ailleurs en Europe.
La loi Duplomb visée par une pétition
Sans surprise, les militants écologistes ont été les premiers à alerter sur la dangerosité de la loi Duplomb. Des collectifs citoyens ont très vite suivi pour faire reculer le gouvernement sur ce projet. Une pétition a même été lancée sur le site de l’Assemblée nationale par une étudiante, il y a quelques semaines. Elle a déjà recueilli plus de deux millions de signatures, alors qu’il en faut 500 000 pour que le Parlement en prenne compte et ouvre un débat public. Celui-ci peut influencer la décision du Conseil constitutionnel et du président de la République.
Les scientifiques se braquent à leur tour contre la loi Duplomb
Mi-juillet, plusieurs élus, notamment ceux de droite avaient appelé à se tourner vers les scientifiques pour avoir leur avis, en particulier ceux de l’Anses, suggérant que les opposants au texte n’avaient pas l’expertise nécessaire pour se prononcer. Mais les premières réactions sont décevantes pour eux. En effet, après les écologistes, les producteurs bio et les citoyens, les scientifiques se braquent à leur tour contre la loi Duplomb. En premier lieu les médecins, qui estiment que les « alertes ne peuvent être ignorées ».
Des alertes sur les risques sanitaires graves associés à l’acétamipride
Dans un communiqué publié le mercredi 30 juillet, le Conseil national de l’ordre des médecins rappelle que « plusieurs organisations, dont la Ligue contre le cancer, ont alerté sur les risques sanitaires graves associés à cette substance ». L’instance ne comprend donc pas le débat actuel. Aussi, elle déplore « l’écart persistant entre les connaissances scientifiques disponibles et les décisions réglementaires » et pense que ce « décalage compromet l’application effective du principe constitutionnel de précaution ». L’Ordre ajoute que « sur le plan médical, le doute n’est pas raisonnable lorsqu’il s’agit de substances susceptibles d’exposer la population à des risques majeurs ». Parmi lesquelles, les troubles neurodéveloppementaux, les cancers pédiatriques et les maladies chroniques.
De la nécessité d’une réflexion structurée sur les liens entre santé et environnement
Enfin, l’Ordre national des médecins s’engage « à lancer sans délai une réflexion structurée sur les liens entre santé et environnement ». Cette initiative associera les médecins de terrain, les experts scientifiques, les agriculteurs, les élus et les représentants des usagers de la santé. L’objectif de la démarche est de « faire de la santé environnementale un pilier de la politique de santé publique, et défendre la santé comme bien supérieur, dans toutes ses dimensions ».
Les politiques, seul soutien à la loi Duplomb
Outre cette prise de position, on note la publication dans Le Monde d’une tribune de sociétés savantes et d’associations de patients, qui demandent au Conseil constitutionnel de rejeter la loi Duplomb, la jugeant « dangereuse » pour la santé. Ces organisations appellent les Sages à « constater l’incompatibilité de la loi Duplomb avec le principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement » et à « protéger les générations futures d’un texte qui compromet, sans l’ombre d’un doute raisonnable, la santé des jeunes, des enfants et de ceux à naître ». À la lumière de ces réactions, que faut-il encore aux politiques pour abandonner leur projet ? Un avis de l’Anses ? Cette instance qui avait déjà listé des alternatives à l’acétamipride ? Ou doit-on comprendre que le lobby agricole, principalement de la FNSEA, est trop puissant ?